Spiritualité et équitation - 13 - de la politesse

 De la politesse





La politesse et les bonnes manières ne sont pas des comportements naturels ou innés.


Elles sont issues d’un apprentissage, d’un mimétisme, d’un conditionnement. Elles sont propres à votre milieu social, à votre culture et même à votre langue.

Ce qui est respectueux et distingué à vos yeux peut être vu comme une insulte ailleurs - ou par votre cheval.


Penser que quelqu’un se conduit bien ou mal est une considération ethno centrée, c’est-à-dire qu’elle fait référence à une culture donnée. Elles ont cependant un réel rôle social dans toutes les cultures.

Elles permettent d’organiser le « vivre ensemble », de donner des codes par lesquels chacun peut montrer ses intentions ou ses sentiments dans un cadre compris de tous. Se montrer impoli ou poli même de manière ponctuelle est une manière de passer un message.


Encore faut-il en être conscient pour que ce message ait une valeur.


Les bonnes manières sont également un moyen de donner du corps aux rapports hiérarchiques.

C’est une manière indirecte de revendiquer ou d’accepter le pouvoir d’un professeur, d’un parent ou d’un chef.

Enfin, les bonnes manières peuvent être un moyen de se distinguer des autres, de montrer son appartenance à une certaine classe sociale ou au contraire de feindre un statut social usurpé.

La cour des rois de France était par exemple régie par des codes et usages très rigoureux qui lui permettaient de se distinguer du peuple.


Tout comme, une cinquantaine d'années plus tôt, la pratique de l'équitation était un privilège, pratiquée dans des "clubs" de haute-société dans lesquels l'on n'entrait que par parrainage. Et quel meilleur moyen pour marquer la différence sociale que de désigner des "codes" ? -> Tous ces petits trucs que les privilégiés maitrisent, mais qu'un membre extérieur au cercle ne connaitrait pas et, ainsi, trahirait sa non appartenance et son ignorance, il pourrait même être moqué pour cela.


Un exemple très simple : le montoir à gauche. L'un des restes de cette culture élitiste qui servait à vous différencier comme cavalier de manège du reste de la plèbe.


De plus, le poids des gestes n’est pas le même dans toutes les cultures


Les bonnes manières ne sont donc pas un code universel et vous apprenez à connaître celles de votre cheval tout comme vous lui apprenez les manières élémentaires qui assurent votre propre sécurité à ses côtés : le respect de votre espace, le contrôle de ses pulsions (selon votre niveau de tolérance ou de celui qui a la charge de son éducation : les contacts tactiles, brouter lorsqu'il est tenu, hennir, se gratter contre vous, jouer avec le matériel…)


Rester calme, conserver des gestes doux, ne pas l’aborder par l’arrière sont les premiers codes de bonne conduite que vous, vous apprenez en centre-équestre.



Tout au long de votre parcours équestre, vous déterminez quels sont les codes, les gestes et les intonations qui comptent pour montrer au cheval que, par l’observation rigoureuse de la bienséance équine, vous êtes non seulement un compagnon respectueux et attentif mais, aussi, un individu important et digne. Dans la manière où vous l’aborder, le pansez, le touchez… Vous vous révélez comme maitre de vos gestes et membre honorable du monde cheval. 
Ainsi, vous méritez votre place tout en haut de sa hiérarchie, vous ne l'usurpez pas.

S’il est une chose qui est dépendante de la culture, c’est bien l’importance accordée aux gestes du quotidien.

Nous avons tous en tête le stéréotype de l’italien ne pouvant s’empêcher de ponctuer chacun de ses mots de grands mouvements de mains, de même, le salut doux et tactile de deux poneys qui se touchent subtilement le museau est un code équin quasi universel, mais plus ou moins affectueux ou formel selon l’individu.


Chaque culture a ses règles et ses coutumes concernant l’expression du corps.

A l’instar de l’équitation, en Asie, le langage corporel est très important. Certaines parties du corps (le plus fréquemment les pieds) y sont impures tandis que d’autres sont sacrées. Ainsi, alors qu’il est impoli de montrer une personne du doigt en occident, le fait de tourner ses pieds vers quelqu’un, même lorsque l’on est assis, est offensant en Thaïlande. De même, regarder un cheval directement dans les yeux n’est pas la chose la plus courtoise que vous sauriez faire…


La proximité non consentie avec un étranger peut être une très mauvaise manière en de nombreuses sociétés et c’est l’un des premiers apprentissage du poulain qui grandit dans son troupeau. Si le jeune cheval n’a pas reçu de sa mère ou ses ainés l’éducation nécessaire de ce côté-là, alors c’est à son éducateur humain de s’occuper de lui apprendre à gérer son espace corporel et attendre l’invitation avant de venir au contact.


De la même manière que les gestes perçus comme amicaux ou non selon les cultures, la proximité entre les personnes est très différente d’un pays à l’autre, d’un cheval à l’autre.

Donner une accolade à quelqu’un peut parfois être vu comme normal ou même chaleureux dans certaines cultures, notamment en Amérique du Nord ou au sein de votre cercle proche.

Ce même geste peut être perçu comme agressif et intrusif pour un cheval qui ne vous connaît pas.


Dans de nombreux pays asiatiques et scandinaves, il n’est pas poli d’empiéter sur l’espace vital d’une autre personne.

Au Japon par exemple, il est d’usage de faire une révérence, tandis que les Indiens ont l’habitude tout comme les Thaïlandais de joindre leurs mains pour saluer leur ami à distance.

La bise à la française n’est pas toujours vue comme une politesse et le cheval préfèrera sentir le bout de vos doigts ou votre visage d'un frôlement de naseaux plutôt que vous avoir pendu à son encolure en guise de salut, surtout pour un premier contact !


De même, comme il est impossible de juger les comportements d’une personne sans une lecture culturelle, il n’est pas pertinent de juger du caractère du cheval sans solide connaissance de ses codes sociaux. Morsure et ruade sont surtout des défenses face à des individus aux mœurs intrusifs.
Vous saurez les comprendre et éviter d’acculer le cheval jusqu’à là plutôt de les sanctionner directement. 


Les bonnes manières sont ancrées dans le langage et la langue est le socle d’une culture.

C’est bien souvent dans les formes de langage que passent les bonnes manières et la politesse.

En français par exemple, il est de coutume de formuler ses demandes au conditionnel pour les rendre plus courtoises.

Ainsi on dira que l’on « voudrait » du pain ou on demandera si on « pourrait » sortir de table.

En langue thaïe, il n’existe pas de mot pour dire « s’il vous plait » (sauf une forme très formelle à l’impératif).

Les Thaïlandais utilisent néanmoins un mot de ponctuation (« khrap » pour les hommes ou « kha » pour les femmes) qui doit être prononcé en fin de phrase pour ponctuer celle-ci et la rendre plus polie.

Il est impossible de traduire ce mot dans une autre langue.



En équitation, le « S’il vous plait » passe par l’usage du conditionnel dans vos codes, par la cession indispensable après chaque action et, surtout, la délicatesse dans vos actes : avant de donner un ordre, vous prévenez le cheval, vous le préparez de manière à ce qu’il s’exécute à point car, à l’instant où vous alliez amorcer la demande, il sait déjà de quoi il est question.
Ainsi, vous délestez de votre équitation la vulgarité et la grossièreté et ne cherchez pas toujours à « Monter en phase » pour obtenir de lui ce que vous désirez. 


Vous n’êtes pas un enfant qui se roule dans un supermarché pour obtenir ce qu’il veut.


La politesse n’ayant pas de code universel, il y a autant de manières d’être poli qu’il y a de langues dans le monde.

Apprendre une langue, c’est aussi apprendre une manière d’interagir avec les autres.

Les bonnes manières ont souvent une histoire, ce que n’a pas le monde équin, qui vit dans l’instant, et elles répondent à des impératifs de bien vivre en société.

Contrairement aux codes animaux, nos règles de bonne conduite ne sont pas forcément issues du bon sens ou venues naturellement.


La plupart des règles de politesse ou de « savoir vivre » sont apparues pour répondre à un problème ou pour qu’une culture s’adapte à son environnement.

Il est donc mal venu de juger les comportements émanant de cultures différentes de la sienne et de ne pas se calquer dessus lorsque l’on communique avec une personne qui ne partage pas nos codes.
Le plus important dans une interaction entre deux personnes de cultures différentes, ce n’est pas tellement de juger les actes, mais plutôt de se pencher sur les intentions bienveillantes ou non de chacun.

Il en ira de même avec les chevaux que vous montez.


Aussi, il est essentiel de noter que, selon sa propre culture (selon s'il a grandi en troupeau, seul, avec sa mère comme seule compagne, avec les murs de son boxe comme seuls confidents...) le cheval n'aura pas les mêmes formules de politesse que ses congénères.

Nous le voyons de manière très flagrante avec le troupeau de Bois-Guilbert. Tous ceux qui sont nés sur place, ou qui ont été achetés jeunes, n'ont aucun soucis d'intégration, mais ceux qui viennent de l'extérieur doivent réapprendre à communiquer et à gommer leurs "accents". Certains sont isolés comme s'ils ne parlaient pas la même langue, ou bien se lient d'amitié avec d'autres chevaux proches en origine.





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