Équation et spiritualité - 7 - De la création




Il existe, dans l’équitation, toute une dimension d’épanouissement, d’apprentissage et de découvertes. On ne nait pas « bon » cavalier, on le devient. 


L’homme ou la femme de cheval ne se découvre pas un don tombé du ciel : il s’est construit.


À partir du cheval et de l’homme, l’on forme le cavalier et sa monture.


Cet acte créatif ne se trouve pas dans l’annihilation des défauts, car le « don équestre » n’existe pas à partir du rien. Il y a de la matière au commencement : des talents et des défauts ; des traumatismes; des expériences ; des savoirs faire ou être propre à chacun, cavalier comme cheval. Toute cette matière initiale n’est pas malmenée, dénier ou méprisée, mais, acceptée, ordonnée et considérée.


 Le négatif n’est ni supprimé ni aboli, mais contrôlé par la douce subtilité des aides justes ou de la connaissance de soi.


Parce que vous prenez le temps de donner une place et une attention à chaque difficulté offerte par le cheval afin de les connaître, les étudier et, enfin, le convertir en élément positif.

Parce que vous hiérarchisez les priorités en avançant avec méthode, pas à pas sans jamais bruler une étape.

Parce que vous ordonnez votre travail comme vous planteriez des arbres : Vous préparez d’abord la terre en amont de manière à ce qu’elle soit votre alliée, riche en éléments de vie et de force.  Puis vous semez les graines et les arrosez régulièrement : vous les regarder sortir de terre et éclore en repoussant les mauvaises herbes ou les ravageurs qui risquent de les étouffer ou les détruire. Vous aidez les jeunes tiges à se renforcer à l’aide de tuteurs et d’engrais, sans les tordre ou les plier. Lorsque les premières fleurs apparaissent, vous les humer sans les cueillir car vous savez qu’elles ne sont pas encore à point et que si vous les arrachez à ce moment, elles meurent. 

Vous voyez ces fleurs devenir fruit sans intervenir, parce que vous avez déjà fait tout ce qu’il fallait en amont. Enfin, seulement lorsqu’ils sont murs et prêts à tomber dans vos mains, vous les savourez.


Aussi, vous ne vous plaignez pas qu’un pêcher vous donne une pêche et non une poire et vous savez bien que ce n’est pas en coupant le tronc ou entaillant les racines que votre arbre sera plus productif.


Il en va de même pour vous. On n’apprend pas à courir avant de savoir marcher et on ne saute pas dans le grand bain ou le torrent si on sait à peine nager la brasse.


A l’aide de maitres d’école et encadré de professionnels, vous apprenez d’abord à vous comporter correctement en présence du cheval, à le connaitre, lui, son corps, sa vie, ses besoins fondamentaux, sa locomotion… Vous apprendrez à monter sur son dos sans le pénaliser ou parasiter ses mouvements.

Vous attendez de savoir trier vos demandes, d’acquérir l’indépendance des aides,  l’équilibre,  la tonicité, la force et la souplesse nécessaires pour assumer vos exigences envers votre monture.

Vous renforcez votre corps afin de ne pas peser sur le sien, votre mobilité pour ne pas l’handicaper et votre souplesse pour lui laisser la sienne.

Puis vous exaltez votre motricité fine afin qu’il ne soit pas le seul à se soumettre aux pressions et contractions de l’autre.

Vous apprenez sa langue, vous apprenez la technique, vous apprenez la science équestre et vous étudiez son univers sensoriel, héréditaire et instinctif. Vous le comprenez parce que vous le connaissez et, seulement, vous avez le droit de considérer l’idée de repousser ses propres limites et de le guider vers l’exploration de ses forces.


Vous apprenez l’intérêt de chaque mouvements équestre, vous savez interpréter les problèmes d’équilibre, de rectitude, pour mieux les prendre en main, vous êtes cohérent dans vos demandes. Vous savez de quelle attitude tel ou tel cheval à besoin à un moment précis, vous construisez vos séances, établissez une suite logique dans vos entrainements… 



A partir de là, grâce à vos connaissances et compétences, vous commencez par préparer en lui un terrain qui le rend apte à apprendre : le calme, la patience, le respect et la sérénité en toute circonstance.

Puis vous plantez vos graines : l’impulsion, la respiration dans l’effort, la décontraction, l’attitude juste, la régularité, la perméabilité aux aides et toutes ces semences que vous avez dans votre sac.

Vous les arrosez de votre travail constant jusqu’à ce qu’elles soient solides et stables, prêtes à vous donner les premières tiges : la force, la grâce, la souplesse…

Continuez de les renforcer, les consolider et patientez.

Lorsqu’apparaissent les premiers bourgeons, laissez les fleurir, regardez les s’épanouir : la confiance, la joie, la concentration…

Finalement, lorsque le cheval vous rendra votre salut, qu’il vous portera avec fierté, qu’il s’emparera de vos exercices, vos figures, pour les effectuer avec intelligence et facilité, qu’il choisira avec vous les chemins de promenade sans chercher systématiquement à vous ramener à l’écurie mais que, au contraire, il vous proposera de s’en éloigner tout en vous invitant à changer d’allure… Lorsqu’il jouera de ses propres muscles au contact des vôtres pour induire en vous ses idées, ses propositions, ses envies et vous inciter à y répondre…

Les exercices sur deux pistes, les renforcements musculaires, les parcours d’obstacles, de cross, de plus en plus techniques, la basse, puis la haute école… effectués sans conflit et avec la grâce d’une danse dans laquelle chaque partenaire donne le meilleur de soi-même et prend tour à tour l’initiative de guider ou se laisser guider, vous offriront des sensations d’accomplissement rares qui dépassent les jouissances du sport.


Votre cheval se renforcera ensuite, gagnera en souplesse, en force, en puissance, en intelligence. Finalement, il sera apte, avec vous sur son dos, à effectuer des prouesses physiques et développer son plein potentiel en repoussant, à son tour, les limites que lui imposaient sa condition de proie et d’herbivore.


Dans le même temps, vous vous cultivez vous-même : vous êtes patient envers vous-même, vous apprenez à vous connaître, à définir quelques sont les limites qui vous restreignent à et les étudier pour les repousser. 


Vos émotions sont-elles bridées comme est bridée votre cheval ? Ou bien sont-elles dispersées et sans guide comme le seraient des rênes flottantes livrées à une main molle et absente ? Votre respiration est telle libre, ou bien souffre-t-elle d’un thorax trop crispé, d’une gorge trop serrée ? Où se trouve votre centre de gravité ? Savez-vous de quelle manière il se déplace sur un cheval en mouvement ?


A partir de là, pour ceux qui en ont l’esprit, la compétition et le dépassement de soi seront pleinement vécus comme une bonne expérience autant par le cheval que le cavalier. La défaite dans ce cadre-là ne sera qu’un pavé de plus sur la route de l’apprentissage. 


Vous savez apprécier le parfum et l’esthétique de vos propres fleurs lorsqu’elles se découvrent, celle qui font de vous un cavalier différent des autres malgré des bases et une technique communes.

Ces qualités humaines que vous avez cultivées pour obtenir leurs graines et, alors, vous laissez votre cheval gouter vos fruits : la patience, le savoir en tout domaine qui le concerne, la gestion de votre corps, de vos propre codes pour obtenir un tact équestre que le temps et l’expérience affineront. Le gout de l’effort, du partage et du dépassement de soi dans une relation saine et équilibrée.

Certaines personnes aiment danser, d’autres chantent, d’autres font de la plongée ou de l’escalade… Certains athlètes ou artistes vouent leur vie entière à explorer leur potentiel et à narguer leurs propres limites, d’autres s’épanouissent par la pratique des disciplines à leur gout sans y chercher la perfection. 


Vous et votre cheval êtes, comme tout le monde, pourvus de capacités sur certains domaines. Elles ne demandent qu’à être dénichées et exploitées. Il faut simplement trouver la bonne clé pour les débloquer.


Toutefois, l’équitation est une affaire de relation avant d’être une affaire de don, de sport ou de compétences. Un bon cavalier est avant tout un cavalier qui a de l’expérience et une bonne dose d’humilité qui lui permet de se remettre en question lorsqu’arrive la stagnation ou l’échec.


Vous devez comprendre que la limite, dans les relations, ce n’est ni l’autre, le cheval, ni son propre potentiel physique ou mental, mais celle que vous vous imposez.


Laissez-vous guider par vous-même et par votre monture, faites ce qui vous appelle et vous fait du bien, plongez-vous dans l’enseignement du professeur qui vous capte le plus, tant que le cheval que vous montez est correctement manipulé… Laissez parler votre intuition, car, plus que les autres, vous savez de quoi vous avez besoin si vous prenez le temps de vous écouter… 


Vous n’oubliez pas que partir à votre propre rencontre est un chemin tortueux et difficile, parfois décourageant, mais plein de surprises. 


Toutefois, vous irez toujours plus loin dans votre propre direction si vous faite un pas après l’autre plutôt que si vous vous asseyez sur le bord du chemin. 

Et s’il y a bien une clé quelque part qui vous permette d’éclore et de vous épanouir dans vos relations, c’est vous-même. Cette clé est aussi celle dont le cheval à besoin pour venir, à son tour, à votre rencontre. 


Ainsi, votre image équestre n’est donc pas puissance absolue, mais douceur. 

Vous dominez mais sans violence, par le tact de vos gestes. Vous ne dénigrez pas les éléments négatifs qui risquent de nuire à vos attentes. Vous les écoutez, les étudiez et les comprenez,  pour les ordonner, puis vous vous retirez pour faire place  au dialogue. 


Alors, vous vous réalisez comme cavalier non pas tant par votre maitrise du cheval, mais surtout par la douceur de cette maitrise.
Vous dominez votre propre faculté de maitrise, ouvrant ainsi un espace au cheval pour devenir l’artisan d’une relation vivante et en paix.  


Le langage équestre devient un espace d’épanouissement autant pour le cavalier que la monture.




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