De la Spiritualité et de l’équitation - Introduction
Cette série d’article a pour vocation de répondre à la question : « Qu’est-ce qu’être cavalier au regard du cheval ? » En d’autres termes : Comment se situer en tant que digne homme ou femme de bien vis à vis du cheval ? Comment notre relation à nous même, à la Nature, aux autres… impacte sur notre équitation ?
Cavaliers, lorsque vous remettez en cause ce que vous aviez pris pour acquis et que les incertitudes vous paralysent, quelles sont les affirmations qui vous poussent à continuer ?
Pourquoi montez-vous à cheval ?
La spiritualité est l’orientation que l’homme donne à sa vie en réponse à sa fin ultime. Elle englobe tous les aspects de ce qui fait de vous ce que vous êtes : votre rapport à votre corps, votre bien-être, vos biens temporels, votre prochain… Mais, aussi, votre vision sur les notions de l’âme, du culte, de l’existence, du monde et ses origines…
L’équitation peut être perçue comme un concept spirituel tant que l’on aborde le cheval comme un autre et non comme un bien et que l’on cherche dans sa maitrise un apprentissage de la vie, un moyen de grandir. Pas seulement comme cavalier, mais aussi en tant qu’humain.
Il y a plus d’un demi-siècle, l’ère du cheval semblait pourtant révolue. Les villes n'en avaient plus d'utilité et lui préféraient l'automobile, l'on se questionnait sur le destin des chevaux de traits, qui laissaient peu à peu leur place aux machines à la campagne et la cavalerie militaire avait perdu son éclat.
L'homme acceptait l'idée que la marche de son l'histoire se ferait dorénavant sans l'un de ses plus fidèles compagnons, présent dans son quotidien depuis si longtemps que l’image de l’homme glorieux dans l’imaginaire collectif est souvent celle du cavalier, encore aujourd’hui.
Cette époque fut toutefois le terreau d’un phénomène nouveau et inédit en France qui prit sa sorte ici, à Bois-Guilbert : l'équitation sur poney, pour un publique jusque-là ignoré, les enfants. Ces mêmes qui, quelques décennies plus tard, sont devenus adultes, mais ont gardé le gout du cheval comme maitre d’apprentissage.
Labour, guerre et attelage s'effaçaient, mais une marée de petits poneys déferlait en Europe, conquérant et colonisant villes et campagnes sans recevoir la moindre résistance. Très vite, il fut possible de grandir et vieillir avec un cheval ou un poney comme compagnon, parce que l’homme ne saurait se passer du monde équin, vitrine de l’alliance inédite qu’il est capable de lier avec la nature à travers les siècles.
La pratique de l’équitation est donc devenu un loisir : votre vie ne dépend pas de la force, la célérité ou l’agilité de votre cheval et, tant que vous ne vous mettez pas en danger par ignorance ou que votre profession n’en dépend pas, être bon en équitation n’est pas gage de survie dans la société actuelle.
A Bois-Guilbert, et ce, depuis le début, l’équitation n’a jamais été un but en soi, mais un moyen : de se faire plaisir, d’apprendre, de grandir, de s’épanouir…
Nous voyons nos chevaux comme des enseignants, des maitres à penser, des aides pour nous aider à nous dominer, à nous dépasser et à nous reconnaitre.
Par eux, avec eux, nous apprenons leur langue, nous apprenons leurs manières, nous apprenons…
Nos poneys nous ont appris que vous, cavaliers, avez le droit de vous tromper, de ne pas tout le temps réussir, de vous perdre avant d’atteindre les objectifs techniques, sportifs ou autres que vous vous êtes donnés et de prendre du recul par apport à la relation que vous entretenez avec votre monture. Vous avez le droit de prendre le temps de le connaître et de le laisser s’épanouir à vos côtés et si vous trébuchez, il vous attendra.
Nous avons appris que l’équitation est un passage vers vous-même. Car avec les chevaux, vous n’obtenez pas ce que vous voulez, mais ce pour quoi vous avez travaillé. Et s’il est question d’entrer en relation saine avec le cheval, nous vous apprendrons que l’usage constant de la force et de la contrainte a ses limites. Car pour jouir d’une connexion juste et vraie avec un être vivant, il faut d’abord vous dépouiller de ce qui vous fausse et accepter de partir à la rencontre de vous-même. Plus que vos proches, votre monture saurait être le miroir de votre nature profonde et la révéler.
Les poneys nous ont aussi appris que chacun a le potentiel de faire le Bien, un potentiel qui ne demande qu’à être recherché, découvert et exploité. Chacun a la capacité d’interagir avec eux : Les comprendre, les guider, les rassurer… si seulement vous êtes capable de vous comprendre, vous guider et vous rassurer vous-même en premier. Pour cela, il vous faut, à travers-eux, trouver et faire germer les graines de « grandeur » implantées en vous et qui ne connaissent aucune limite si ce ne sont celles que vous vous imposez.
Vous le savez déjà si vous vivez l’équitation comme une relation : Vous ne pouvez-vous contenter de prendre ce que vous voulez de votre monture. Car pour recevoir, il faut d’abord donner.
Enfin, par nos poneys, nous avons appris à transmettre un enseignement plus large que celui du monde équin : le pont que le cheval représente entre vous et la Nature. Votre monture peut vous aider à trouver une relation privilégiée avec le monde vivant qui vous entoure, car il vous apprends à vous placer dans cette nature avec humilité et reconnaissance.
Du sens que vous donnez à votre propre existence, à la vie en général ou à la finalité du monde, découle toute la dimension de votre « vie intérieure » : votre foi, vos croyances, vos objectifs de vie, votre relation à la mort, aux autres, à vous-même, au bien ou au mal... Et de cette vie, découle votre rapport au cheval et votre pratique de l’équitation.
Les points évoqués dans les articles qui suivront sont représentatifs de toutes ces leçons de vie que nous, enfants et petits-enfants de Louis de Pas, résidents de Bois-Guilbert, avons appris de part ce cadre si extra-ordinaire dans lequel nous sommes nés, avons grandi et travaillons tous ensemble, parmi ce troupeau de 200 poneys dont nous avons le privilège de partager le quotidien, les naissances, les apprentissages.. Témoins de leurs amitiés, de leurs peines, de leur complicités…
Nous les soignons, les éduquons et les employons en adaptant pour chacun ses efforts, ses cavaliers et ses tâches selon son caractère, son potentiel, ses forces et ses faiblesses.
Nous vivons depuis les temps anciens
Malgré tout, nous sommes enfants de ce monde.
Nous voyons beaucoup de gens vivre et passer
Mais nous ne sommes pas attristés ;
Nous voyons la douce vérité dans les méandres du temps
Ce que vous apprendrez en regardant, en attendant
Un trésor que nul ne pourra vous dérober
Bien que beaucoup ne cessent de le chercher
Nous ne nous défendrons pas, nous ne parlerons jamais,
Vous devez l'apprendre vous-même.
Montre nous pourquoi tu es digne,
Prouve nous ta force avec ton coeur,
Et nous suivrons.
Spiritualité et équitation - 1 - Du mal
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