Equitation et spiritualité - 8 - Du tact





Le mors n’est qu’un morceau de métal de quelques centimètres, et le seul lien entre la bouche du cheval et vous, ce sont les rênes, vos mains et vos bras.

En comparaison du mors, il y a votre assiette, vos cuisses et votre poids qui prend une surface conséquente sur tout le dos du cheval. Le cheval peut sentir une simple mouche se poser sur son flanc, alors pourquoi serait-il hermétique à une pression de mollet ? Voire, au mythique « souffle de la jambe » ? Pourquoi une traction forte ou prolongée alors que la zone de peau si sensible de la commissure de lèvres est apte à ressentir le moindre frémissement que le vent porterait au poids des rênes ?

 La brisure du mors qui rentre dans le palais, si sensible, ou qui, par l’effet casse-noix, appuie l’acier sur les gencives, une zone où la peau est, littéralement, sur les os et les nerfs. Le mors droit ou le double brisure qui compresse la langue et qui, par l’effet garrot, anesthésie toute la zone de la mâchoire, rendant la bouche imperméable à vos actions de mains, à moins que vous ne « mettiez taquet sur taquet » (avez-vous déjà essayé de faire un effort physique prolongé avec la langue compressée ? Essayez-donc de monter/descendre vos escaliers en appuyant le doigt sur la langue et vous verrez que vous même deviendrez « dur dans la bouche », à venir vous appuyer vers l’avant, en quelques secondes).

Votre haut du corps basculé en avant, qui vient raidir toute la zone de vos épaules et de vos bras, et verrouiller votre bassin, rendant tout action fine impossible et ne vous laissant comme seule alternative de contrôle que des « tractions de charretier » auxquelles le cheval doit se plier et se soumettre sans que vous-même, cavalier, n’ayez l’idée de remettre sur vous-même ses propres réticences à vous comprendre.

Vos poignets quasiment cassés en deux parce que tenir ses rênes comme un guidon avec l’index et le majeur seulement, le petit doigt levé vers le ciel, c’était « la dernière tendance à la Motte » et ça donne l’impression d’être léger dans les mains, alors que, justement, le cavalier ne peut pas fonctionner autrement dans cette posture qu’avec des saccades sur le mors et cela le rend totalement incapable d’utiliser tout le reste de son corps, de son assiette à son regard, sa posture, son dos et ses abdominaux, souvent relâchés, qui ne sont plus connectés à cause de ces brisures et ces angles droits au niveau des poignets et des coudes. 

Et parlons de ces fameux abdominaux, messieurs-dames… De plus en plus dans la pratique de l’équitation, l’enseignant, impuissant du milieu de sa carrière, ne peut rien faire d’autre que constater que si le cavalier n’est pas capable de dépasser ses limites et d’avancer en technique, c’est à cause de ses propres faiblesses musculaires. Un dos courbé, une nuque raide, des épaules soudées, un ventre mou… 

De toutes les ressources à votre disposition pour avancer sur le chemin de l’équitation, votre propre corps est l’outil le plus affuté, le plus complet et, par dessus tout, indispensable et idéal. Le matériel adéquat et adapté de base n’est pas complet si, dessus, le cavalier ne fait pas l’effort de devenir un individu sportif, fin dans son ressenti et souple.

Car l’équitation est bien un sport mais il ne s’agit pas que de se percher sur le dos de l’animal et se plaindre de sa mauvaise volonté.


Tant que l’on considère l’équitation de loisir (sans enjeux professionnel derrière), il n’existe pas forcément de bon ou de mauvais cavalier de base. Chaque corps humain peut fonctionner sur une selle de même que chaque corps équin peut s’épanouir dans diverses disciplines. Certains se dépasseront sur le plan physique, d’autres sur le plan mental… A chaque cavalier son parcours.

Mais une notion doit rester propre à tous ceux qui se mettent en selle : le gout du dépassement de soi et de l’effort. C’est la moindre des choses et le minimum que vous devez à votre monture.

Tenez-vous. Portez votre corps. Gérez vos émotions. Contrôlez vos muscles et vos gestes.

Ou bien apprenez à le faire.


Déséquilibre, contraction superflue des muscles, cage thoracique en tension, mains agrippées : La bouche du cheval les capte comme une radio capte les ondes parasites. Mais, aussi, contraction des jambes, genoux serrés, assiette fragile…sont autant de messages superflus que le cheval doit analyser et trier. Peut-être, alors que vous demandez une simple transition, le cheval sera plus concentré sur votre poids du corps bloqué vers l’avant et la contraction de vos biceps qui noieront les signaux que vous envoyez à sa bouche. Il y répondra comme il le pourra et ne vous comprendra que lorsque vous aurez amplifié, voire durci, vos actions de mains. 


Mais il existe d’autres solutions.


Apprenez à utiliser toutes les aides à votre disposition : de votre respiration à votre placement sur son dos ou à ses côtés, en passant par la décontraction de la mâchoire, la vôtre et celle du cheval, le relâchement de vos biceps, de votre ligne dorsale et de votre zone abdominale…
Relâchement ne veut pas dire mou et sans tonus, mais contracté juste ce qu’il faut, et à votre disposition.

Devenez intransigeant sur votre position, d’autant plus lorsque vous lui demandez quelque chose.

Soyez maitre du moindre frémissement de vos muscles, apprenez à vous décontracter sur commande, et l’équitation n’en sera que plus facile. 


Sachez monter sans les mains, sans étrier, les yeux fermés, les genoux levés pour apprendre à contrôler au mieux votre assiette et à compter sur elle avant toute chose.


Prenez conscience de vos gestes, de vos demandes et, s’il le faut, comprenez pourquoi le cheval n’obéit pas dans l’immédiat.


L’équitation est un jeu savant d’équilibre, de mouvements et de tensions et décontractions.
Vous êtes un funambule sur son fil et vous acceptez l’idée que recevoir quelques foulées d’une allure rassemblée ou un air de haute école est l’aboutissement d’un long travail et non la base de votre équitation. Avant cela, même, sachez qu’une transition ou un arrêt sans tension s’obtient à partir d’une allure équilibrée, que les codes du tourner doivent apporter un relâchement et non une contraction ou qu’un changement de direction équivaut à une modification de l’équilibre du cheval. Ne soyez pas trop gourmand et ne partez pas du principe que, parce qu’une chose à l’air simple à vos yeux, elle l’est pour votre cheval ou pour vos propres capacités en terme de motricité fine. 

 

De même, vous avez du tact équestre parce que vous travaillez pour avoir ce tact, car vous êtes vous-même ce que vous attendez de votre monture : Un être perméable à l’autre, souple dans la puissance et relâché dans l’effort.  


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