Equitation et spiritualité - De la Pratique



Si vous avez déjà fait un minimum d’assouplissements physiques ou certaines formes de yoga ou de renforcements musculaires, vous savez que ce n’est pas en forçant avec détermination sur vos raideurs ou faiblesses que l’on gagne en force et en souplesse.
Il est rare que vous retourniez une deuxième fois chez un coach sportif si celui-ci vous a fait mal, vous a insulté, vous a humilié ou bien vous a défini uniquement par vos incompétences et défauts lors de votre séance d’essai.


Vous n’aurez jamais l’idée de vous bloquer dans une figure douloureuse avec des moyens « coercitifs » pendant de longs instants, tout en forçant une allure élevée, jusqu’à ce que vous en deveniez incapable d’avaler votre propre salive, les lèvres mousseuses, ni de reprendre votre souffle au point où les veines de votre visage semblent prêtes à exploser.


Lorsque vous dansez, courez, randonnez… vous chaussez des chaussures adéquates, à votre taille et deux pareilles. A choisir, vous favorisez la paire qui vous maintient bien le pied même si elle est moins assortie à vos vêtements que celle qui vous comprime. Idem pour le choix des chaussettes et du sac à dos. Après ne serait-ce qu’une journée de marche, vous apprenez à favoriser le pratique et le confort plutôt que l’esthétique.


De même, pour apprendre un art martial, une matière, un nouveau sport… vous choisirez un professeur qui parle la même langue que vous, qui connaisse son sujet et qui ait l’humilité de reconnaître son ignorance sur certains points, sans jamais vous reprocher, à vous, de ne pas pouvoir combler ses propres lacunes.

Vous doutez de la légitimité d’un professeur de gymnastique pour débutant qui commencerait directement avec des torsions complexes, sur barres, sans échauffement, sans préparation aucune et qui laisserait exploser sa frustration lorsque ses élèves feraient preuve de raideur ou de mauvaise volonté.

Vous aménagez votre lieu de vie avec gout, appréciez de rencontrer régulièrement vos amis, de sortir, de vous défouler, vous exprimez et vous ne centrez pas l’intégralité de votre vie autour d’une seule activité, car vivre dans une pièce minuscule, parfois puante et sans lumière, coupé du monde et des autres, ne vous plairait pas. 

Et puis, même si parfois vous doutez d’elle et regrettez peut-être une époque que vous n’avez pas connue, vous ne restez pas en marge de la société. Vous ne partez pas du principe que l’homme doit retourner dans son habitat naturel et retrouver un mode de vie primitif.  Vivre à jamais seul dans la forêt pour redevenir un chasseur cueilleur n’est pas forcément la solution à tous vos problèmes, ce n’est pas non plus celle de nos animaux domestiques.


Alors… N’infligez jamais tout cela à votre cheval ou pratiquez votre sport équestre dans une écurie qui leur épargne ce genre de pénibilité. 


Dans le choix de son matériel, sa ferrure ou son parage, ses exercices, son mode de vie… Vous arrangez au mieux son confort, son intégrité morale et physique et son bien-être. 

Dans votre recherche d’un club ou d’une écurie pour monter à cheval, vous définissez une liste claires des critères rédhibitoires et vous ne vous laissez pas leurrer par les faux-semblants : la qualité de vie d’un animal peut se jauger même avec un minimum d’esprit critique, de connaissance et de bon sens.


Vous savez que ses humeurs sous la selle sont en corrélation direct avec celles de sa vie. N’attendez pas de lui d’être heureux à vos côtés si le reste du temps il broie du noir. N’attendez pas le meilleur de lui-même si vous-même n’êtes pas prêts à vous investir en lui ou investir pour lui.


Vous écoutez ses plaintes, assumez vos responsabilités et prenez conscience que le cheval n’est pas qu’un outil bon à être pris et reposé selon vos envies seulement. 


Dans la manière dont vous vous exprimez, dont vous l’aimez, le pansez, le montez… Vous vous comportez comme ce professeur de danse, de langue, de science ou de sport que vous auriez aimé avoir. 

Votre priorité sera son calme et sa sérénité, car en bon maitre, vous savez qu’il n’est pas possible d’apprendre sans concentration et sans confiance, dans la peur, le stress et la douleur. 

Au commencement, vous voyez votre cheval comme un champ de friche que vous cultivez pour en faire un jardin productif. Au cours de sa croissance, vous l’attendez pour passer chaque étape à son rythme et au votre. 


Vous lui apprenez à maitriser son corps par des mouvements lents durant lesquels il se montre capable de respirer et de poser ses foulées, de trouver une attitude solide. Vous cherchez avec lui, à pied, quels sont les exercices dont il a besoin. Proposez lui différents travaux adaptés à ses capacités et attendez qu’il y réponde à son aise. Comprenez, toujours, pourquoi il ne peut pas s’effectuer : un problème de respiration, d’équilibre, de rectitude, une raideur quelque part, une incompréhension de votre geste ? 

Vous allez lui apprendre des codes : les aides, au sol d’abord, puis monté lorsqu’il en sera bien imprégné. Les aides sont avant tout des consignes. Un cadre, dont il s’emparera de l’espace et qui le fera briller. 

Vous n’userez pas de leviers, de contraintes, dans un rapport de force constant et encore moins des simulis douloureux qu’il s’efforcera de fuir ou contre lesquels il se mettra en défense.  


Avec intelligence, constance et bon sens, vous le guidez et votre rôle n’est pas d’attendre de lui qu’il vous mette en valeur, mais le contraire. En tâchant de conserver sa confiance et sa bonne volonté, vous lui faites faire les mouvements qui lui permettent de prendre le contrôle de sa force, son corps, son poids. Vous saurez que l’exercice est assimilé, et apprécié! , si, après un temps suffisant d’entrainement, il vous suffit d’un simple attouchement ou geste de votre part pour que le cheval s’exécute de lui-même, sans que vous ayez à intervenir d’avantage, dans l’impulsion et la détente. 
Il est possible que votre cheval puisse vraiment adorer une figure et, comme un enfant ne se lassera jamais de faire des roues, des saltos ou des galipettes une fois qu’il aura appris comment, il vous demandera, encore et encore, de l’aider à effectuer un demi-tour sur les hanches, un déplacement latéral, un passage d’obstacle, un changement de pied…  

Le travail devient alors jeu et, si vous vous autorisez à le suivre, lui, de temps en temps, peut-être apprendriez-vous quelque chose, vous aussi. 

Ainsi, vous bâtissez son attention, son calme et sa concentration en même temps que vous développez sa force, son agilité et sa souplesse. Le temps est, pour ce travail, votre allié le plus précieux.


Si, alors que vous lui demandez un déplacement des hanches, il répond par un reculé, dans ce cas, analysez vos propres codes, car il est possible que, par votre posture seulement, vous induisez inconsciemment des choses…  regardez votre cheval, comprenez d’où vient la mésentente. Si jamais vous posez la question : « Quel jour sommes-nous ? » et, alors, que vous attendiez de lui qu’il vous dise « Nous sommes lundi », il vous répond à la place : « Nous sommes le 10 octobre », y a-t-il faute quelque part ? Non. 
Il faut simplement reformuler la question et la rendre plus précise : affiner les aides.
De même, s’il ne répond pas à cette question que vous jugez pourtant simple parce qu’il ne connaît pas encore les jours de la semaine, faut-il blâmer l’un de vous deux, ou bien oublier ce sujet pour l’instant et reprendre les bases qu’il n’a pas ? Lui réexpliquer avec démagogie le mouvement que vous attendez de lui, et quelle réaction vous attendez face à telle ou telle demande. 


Si vous préférez entrer directement dans la sanction, dans ce cas, la faute sera votre. Lui ne comprendra pas pourquoi il écope d’une remontrance de votre part alors qu’il cherchait simplement à répondre à vos codes, ou à les fuir. Il apprendra seulement que vous répondre est dangereux et qu’il gagnerait à se taire et subir la conversation sans y participer plus que nécessaire. 

Toutefois si vous lui reposez la même question en l’aiguillonnant et le guidant vers la réponse que vous attendez, vous le mettrez en valeur. 
Si, après votre demande, vous lui offrez la fameuse cession, ce temps après l’action où vous ne dîtes plus rien, pour lui laisser le temps de formuler sa réponse, alors il ne craindra jamais de s’exprimer et, même, il en viendra de plus en plus à proposer ses propres sujets de conversation : un étirement, un petit, voire un grand galop, un saut, une caresse, une pirouette… Vous le sentirez se tendre vers vous comme une invitation à un mouvement, puis attendre que vous vous impliquiez dedans, ou non, sans vous forcer la main. Et c’est ainsi, petit pas par petit pas, que vous vous dirigez vers des enchainements de plus en plus complexes, des figures élevées, des allures droites et en équilibre : ensemble. 
En lui laissant le temps de comprendre les différents mouvements, vous lui permettez de prendre le contrôle à la fois des exercices et de son propre corps.


Vous n’allez pas à l’encontre de ses raideurs par un renforcement des vôtres, vous êtes conscient que la « dureté » du cheval est en parallèle avec la dureté de l’effort demandé ou votre propre dureté, vous répondez à ses tensions par un adoucissement de celles qui sont en vous. 

Vous ne lui demandez jamais ce qu’il n’est pas capable de vous donner.
Vous récompensez toujours une action qui démontre sa bonne volonté à vous satisfaire, même si la réponse qu’il vous donne n’est pas celle que vous attendiez ou si elle n’est pas à la hauteur. 


Vous savez que, s’il vit dans son troupeau et comblé dans ses besoins fondamentaux, votre cheval marche tranquillement, trotte, galope, s’arrête et tourne sans nervosité et dans le calme. Il est même possible de le voir dans le jeu ou en parade quelques fois. Donc il n’y a pas de raisons pour qu’il n’en soit pas ainsi sous la selle et, si ce n’est pas le cas, cherchez à comprendre pourquoi, avant de passer à l’étape supérieure.


Vous prenez le temps d’attendre le cheval, mais, aussi, vous prenez le temps de vous attendre, vous. 


Parce que vous êtes tendu, frustré, tordu et contracté, votre cheval le devient aussi. 
Parce que vous êtes souple, gainé, délié et en équilibre, votre cheval le devient aussi.   


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