De la spiritualité et de l'équitation - 1 - Du mal
Du mal
Vous appréhendez le « mal ». « Mal faire », « Être mauvais »…
Dans votre approche du cheval, la peur du mal vous contraint à la réserve ou la culpabilité. Dans un cas l’on pêche d’inaction, dans le deuxième, on regrette ses actes.
Mais avez-vous réellement réfléchi à la définition de ce qu’est le « mal » en équitation ?
Votre monture est un être vivant qui n’a pas de comptes à vous rendre et qui n’a pas demandé à être monté.
Nier une telle chose, c’est nier les prémices même d’une relation juste avec lui. S’il existe un différend entre vous deux, ce n’est pas seulement la volonté du cheval qu’il faut reprendre, mais votre désir de domination et de toute puissance, car quel droit est acquis s’il ne se vaut que par la contrainte ?
Vous, homme, possédez sur le cheval une domination pratiquement totale : de son régime alimentaire, de l’organisation de son temps, de son corps, de ses mouvements et parfois de sa vie, son bonheur ou son intégrité physique, il ne lui reste que peu de chose qui n’est pas sous votre contrôle.
Parfois, vous estimez que tout ce qu’il vous donne déjà, ce n’est pas assez et vous prenez comme une insulte personnelle ses dérobades et ses réticences.
L’illusion consiste à croire que la satisfaction immédiate de votre désir (de ce que vous attendez dans son comportement à pied ou sous la selle) est un bien qui vous est dû et que la limite mise par le cheval : la dérobade, la fuite, l’incapacité à effectuer une demande… Toutes ces
« rétivités », « froideurs » ou « foutages de gueule »… sont des frustrations indues. Des attaques personnelles contre vous.
Votre désir, conscient ou non, de vous approprier le cheval dans son intégrité, physiquement et mentalement, comme étant intégralement à votre service est une impasse.
En dehors du cadre équestre, le mal est une réalité si englobante et tentaculaire que, pour la combattre, vous ne semblez pas avoir d’autres solutions que faire le mal. Chacun est impliqué dans cette réalité comme fauteur, victime ou complice.
Le pardon est le premier pas pour vous en libérer. Non pas celui de votre monture, car le cheval, lui, vous pardonne dans l’instant, mais le vôtre.
Parce que vous pardonnez vos erreurs et vos échecs, vous acceptez leur existence. Vous commencez à admettre que le passé peut être changé par la manière dont vous le percevez.
Vous vous débarrassez des fantômes de votre avidité. Ainsi retournée, la culpabilité devient source de changement, de liberté et de partage.
Le mal en général n’est, finalement, qu’un désir mal géré. Autrement dit, votre propension à laisser vos peurs et vos failles parler en votre nom a un impact directe sur votre équitation et, plus largement, sur vos relations avec le cheval, avec autrui et avec vous-même.
C’est dans le renoncement, l’essentiel lâcher-prise, que vous trouvez votre passage. Ce renoncement est le lieu d’une ouverture à l’autre. Car vous acceptez l’interdit, la nécessaire limite au désir, en vue de la relation juste. Le respect de chacun devient un dispositif d’aménagement de l’espace, où l’altérité du cavalier s’articule à celle du cheval.
La reconnaissance de l’autre devient alors possible comme amorce d’une nouvelle histoire.
Plutôt que tordre votre dignité en déployant sur le cheval tous les ressorts de force et de maitrise pour le combattre et gagner sa soumission, vous acceptez de lui laisser son intégrité et grandissez avec lui, par l’écoute, le partage et la bienveillance.
Par le renoncement de la maitrise totale, l’acceptation des limites et la reconnaissance de la volonté de votre monture, vous laissez place à l’altérité, l’humilité, la vie et la sagesse.
Vous avez beaucoup d’éléments pour être heureux et jouir de votre vie, mais cela ne peut se faire au détriment des autres ou d’un autre. La recherche du bonheur apparait à la fois comme un don et comme un devoir. Mais cela ne peut se faire n’importe comment.
Pour cela, il faut consentir à une limite qui laisse place à l’autre et à la relation juste avec lui. Exiger de votre monture une réponse exacte à chacune de vos demandes, qu’elles soient cohérentes ou non, ne permet pas cette relation juste. Car vous ne verrez jamais dans le cheval un sujet, mais un concurrent dont il faut se protéger pour vérifier votre propre force, un moyen pour obtenir ce que vous désirez ou encore un objet qu’il faut accaparer pour en jouir.
Ainsi, en inscrivant dans l’équitation la limite à la jouissance de l’équitation, vous proposez finalement une loi relationnelle qui vous invite à faire le deuil du contrôle total, à accepter le manque, la faute, afin d’ouvrir un espace vital pour le cheval et l’épanouissement de vôtre relation.
La compréhension, la connaissance et la maitrise que vous avez de vos émotions sont vos clés pour vous en libérer.
Vous, humain, avez tout reçu. Mais votre peur, peur de l’échec, du ridicule, du manque… la peur de n’être pas tout, vous conduit, d’une certaine manière, à vouloir tout posséder, contrôler ou autre.
En prétendant vouloir épandre sur votre monture ce désir de contrôle, de domination, vous vous conduisez vers une relation sans échange ni partage, qui ne va que dans un seul sens et ce sera rarement le vôtre.
Il est capital, en d’autres termes, d’apprivoiser cette peur, de l’éduquer afin qu’elle n’envahisse pas l’intégralité de votre équitation, qu’elle ne transforme votre cheval en rival, dans un rapport de force qui croit de manière exponentiel, plutôt que comme un partenaire d’alliance.
L'oubli du don, le fait de considérer le don comme un dû, est ce qui conduit à la perte pure et simple du don lui-même :
En oubliant que votre cheval est le premier à se plier à votre volonté ou à chercher à vous comprendre dans vos gesticulations, en partant du principe que son attention, son temps, son affection sont vôtres dès le départ, sans qu’aucun compromis d’effort, de temps, d’essai… d’échec ou de chute… ne soit exigé de vous-même, vous vous engagez dans une impasse.
Spiritualité et équitation - introduction
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