Spiritualité et équitation - 4 - De la culpabilité & de l'échec
Vous souffrez parfois de culpabilité et la peur de l’échec est un sentiment qui peut stopper votre cheminement équestre. Vous craignez d’infliger à votre cheval des douleurs ou des tourments injustes ou même, vous allez jusqu’à remettre en question votre pratique de l’équitation, votre relation, votre manière d’être avec lui, voire, votre manière d’être tout simplement…
Cette culpabilité, plutôt que d’être un frein, doit être, au contraire le ressort du renoncement.
D’après Nietzsche, la culpabilité « nait du retournement sur vous-même de l’agressivité qui fait partie de votre spontanéité pulsionnelle », plus simplement, elle vient lorsque ces émotions que vous refoulez et que vous refusez de voir vous font agir d’une manière que vous regrettez ou bien se retournent contre vous : le conflit entre vos « pulsions » et les normes éthiques nécessaires à la vie sociale est principale source de culpabilité.
Vous vous reprochez des actions, des pensées, des désirs ou une manière d’être qui ne colle pas avec ce que l’on attend de vous ou de ce que vous attendez de vous-même.
Elles se traduisent en équitation lorsque vous gouttez au sentiment d’incompétence, d’impuissance, voire, lorsque vous allez au-delà de la bienséance et que vous vous comportez avec votre cheval d’une manière qui ne reflète pas la dignité de l’être humain que vous souhaiteriez être.
Face à l’innocence du cheval, vos erreurs, vos défauts et, si vous les considérez ainsi, vos incompétences techniques, vous sont renvoyés en plein visage.
L’échec en équitation est le miroir de ces failles qui sont en vous, sur lesquelles vous fermez les yeux au quotidien, mais votre rapport au cheval vous force leur faire face. Il le faut pourtant, pour mieux les comprendre, les apprivoiser, les accepter et en prendre le contrôle.
Votre culpabilité, qu’elle soit légitime ou non, construit une cage autour de toutes ces petites choses que vous nommez « échecs », que ce soit dans ce que vous avez fait, ce que vous n’avez pas fait ou ce que vous avez été, ou ne pas été.
Elle prend alors en vous une place, comme un rideau qui couvre ce que vous ne voulez pas voir et ce sera alors pour vous, cavalier, une longue période de stagnation soit en technique, soit dans votre relation avec votre cheval.
Vous vous plaindrez de ne pas être à la hauteur, vous refuserez de vous frotter à la difficulté par peur de l’échec, vous n’oserez pas vous affirmer face au cheval car vous estimez que vous n’en avez pas la légitimité ou bien d’autre signes qui, à vos yeux, sont des facteurs d’échec…
Vous pouvez cependant user de cette culpabilité, non pas comme un frein, mais comme un tremplin vers l’épanouissement de vous-même.
Avec le renoncement et l’interdit comme outils, vous ouvrez une brèche pour permettre à votre véritable force de s’exprimer.
Car la perméabilité d’une limite est au diapason de l’importance que vous lui donnez.
Certains vous nieraient tout droit à l’échec, d’autres donneraient l’impression que pour atteindre la perfection, il faut bannir l’imperfection. L’erreur, en ce sens, devient un tabou, une bête noire…
Mais qui ne fait pas d’erreur n’apprend pas. Car échouer ne veut dire une seule chose : vous êtes sorti de votre zone de confort, contrairement à celui qui ne considère la perfection que comme une absence d’imperfection et qui stagne à jamais dans cette zone de confort, où il se réfugie au moindre pas qu’il met à l’extérieur et risque le drame d’un acte non réussi.
Qui veut apprendre à marcher apprend d’abord à tomber.
Donc que dire de la chute, qui est devenu pour bien des cavaliers, des enseignants ou des parents, un facteur d’échec alors qu’il s’agit, au contraire, de la plus grande preuve du courage et de l'amélioration d’un cavalier !
Se confronter à la difficulté, en équitation, veut dire que l’on se soumet aux lois de la gravité qui accompagnent la prise de vitesse, de hauteur ou de complexité essentielles à l’évolution du cavalier.
Se relever après une chute, remettre le pied à l’étrier, et recommencer… Combien d’autres sports apprennent une telle abnégation, une telle discipline, une telle humilité et un tel courage avec si peu ?
Accepter l’imperfection et s’autoriser une marge d’erreur, ce n’est pas sonner le glas de tout plaisir, de toute recherche de performance ou de toute jouissance sportive. C’est s’ouvrir à l’acte d’apprentissage lui-même : reconnaitre ses limites pour mieux les repousser sans se fracasser contre elles et, donc, contre vous-même.
Car vous ne reniez pas vos ambitions techniques, sportives ou personnelles, mais vous les accomplissez sans vous malmener vous-même, et encore moins votre cheval, sur qui vous risquez à tout moment de projeter vos frustrations si vous ne reconnaissez pas votre responsabilité dans vos erreurs.
Vous apprenez à accomplir les choses, petites ou grandes, car cela vous plait et vous rend heureux, par parce que vous avez quelque chose à prouver aux autres et encore moins à vous-même.
Votre acceptation des imperfections, votre renoncement de la perfection, de coller à l’image de celui que vous voudriez être, vous permet alors de transformer vos désirs, vos rêves, etc. en des moteurs indispensables à l’engagement sur le chemin de succès plutôt qu’en frustration et en échec. Cela rendra votre relation avec votre cheval, et avec vous-même, plus juste, plus solide et plus saine.
Ainsi, vous renoncez à être celui que vous n’êtes pas, vous apprenez à être celui que vous êtes et vous acceptez de vous faire plaisir, de grandir et de vous laisser surprendre par vous-même. Car la joie nécessite que vous laissiez de côté vos poids, vos doutes ou vos vaines attentes pour embrasser un nouvel avenir.
Vous ne recherchez pas continuellement une emprise totale et constante sur vous-même et votre monture, car vous vous ouvrez au-delà de vous-même dans la déprise même.
Ainsi, la culpabilité, la peur du mal et de l’échec présentent l’avenir comme une aventure à risquer.
Elle donne à la voie de l’équitation son caractère toujours inachevé, car elle suit la même topographie que le chemin de vie du cavalier.
Le souvenir ou la peur du mal, de la douleur, de l’échec ou de voir apparaitre cet autre vous que vous méprisez… peuvent alimenter un certain renoncement, celui de baisser les bras.
Ce renoncement-là s’enferme sur lui-même.
Toutefois, un renoncement conscient, un lâcher-prise salvateur, peut ouvrir à une culpabilité saine qui vous invite à vous reconnaître comme être de plaisir, d’ambition et de joie.
Oui, vous avez des ambitions, oui, vous voulez exister dans le regard des autres, oui, vous recherchez le plaisir… Oui, vous voulez gagner l’affection du votre cheval et devenir un bon cavalier… Et vous assumez tous ces désirs qui font de vous ce que vous êtes et qui justifient pourquoi vous montez à cheval.
Cette saine culpabilité montre le côté positif du renoncement nécessaire à une équitation dans laquelle s’exprime le désir comme moteur.
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