Equitation et spiritualité - 6 - De la maitrise
Votre maitrise de l’équitation est en corrélation avec la connaissance et la maitrise que vous avez de votre corps, de vos émotions, de votre mental et des codes équestres.
Le contrôle (doux et intelligent, et non en force et en contrainte) que vous avez du cheval dépend donc directement du contrôle que vous avez de vous-même, physiquement, mentalement et moralement.
La rigueur que vous exigez de votre cheval doit être d’intensité égale que celle que vous vous infligez vous-même. Vous ne lui demandez pas d’être concentré si vous êtes dissipé, vous lui proposez de faire un effort physique ou mental conséquent seulement si vous êtes prêt à sortir de votre zone de confort et vous ne pensez même pas à réclamer son calme lorsque vous êtes en colère.
Le respect marque une limite au tout-vouloir et définit ainsi un espace pour l’autre.
C’est indispensable à l’entente et, plus globalement, à l’union. L’abolition de cette limite, la négation de l’autre en tant qu’individu, procèderait d’un vouloir totalisant. Elle ne peut déboucher que sur la rupture de l’harmonie des relations car vous alimenterez un rapport de force qui sera systématiquement en votre faveur et non en la sienne : vous serez celui qui enchérira par les artifices et les leviers sur son corps et ses mouvements, pas lui.
Vous n’achetez pas l’affection de votre monture par un don infini de nourriture ou de confort, comme vous ne gagnez pas son respect par la crainte. Votre autorité acquise sous la contrainte ou sa dépendance par la facilité n’est que superflue.
L’autorité, le respect et l’affection de votre monture est un don que vous avez mérité grâce à une attitude irréprochable, une maitrise juste de vous-même et une intention bienveillante dans chacun de vos actes.
Car vous créez votre relation dans le temps, par l’usage de la bienveillance plutôt que la violence, en déployant votre potentiel d’attention et de patience.
Jour après jour, vous proposez vos attentes au cheval, puis vous le laissez croitre en force et intelligence alors qu’il s’empare de l’espace d'expression que vous générez pour lui entre vos mains.
Prenez le temps, à chacune de vos rencontres, de vous reculer pour regarder et admirer votre avancée. Reconnaissez le bien dans vos actes. Ensemble, cavalier et cheval, vous grandissez.
Vous êtes celui qui décidez de ce qui est important pour vous.
Et vous donnez de l’importance à votre relation avec lui, à votre humilité et à vos efforts plutôt qu'aux prouesses que vous n'accomplissez pas, aux choses que font les autres cavaliers et pas vous, à ces refus que vous opposerait votre monture... Vous trouvez votre satisfaction, votre plaisir et vos intentions à chaque pas supplémentaire que vous posez sur ce chemin d'apprentissage, car l'on ne stagne pas lorsque l'on va dans cette direction.
Ce regard que vous posez sur vos choses importantes est aussi créateur que vos actes, car, pour exister vraiment, il est essentiel d’être « considéré ». C’est d’autant plus vrai pour les concepts et toutes ces choses qui n'existeraient pas si nous ne les nommions pas.
Vos succès ne seront tels que si vous acceptez de les contemplez ainsi. - il en va de même pour vos échecs, car ce qui différencie l’un de l’autre, c’est notre propre curseur individuel et dans le monde équestre, l’on se valorise trop facilement d’une victoire mal acquise et ne voyons pas celles qui nous font briller non pas en tant que cavalier, mais en tant que personne. -
La maitrise équestre devient totale lorsque vous vous retirez, et que le cheval conserve les acquis que vous lui avez insufflés :
Si vous montez sur son dos et que vous lui apprenez à devenir plus fort, plus agile, plus souple ou plus intelligent dans son propre corps, alors vous avez le droit de vous réjouir davantage que si vous l’aviez poussé à la faute par vanité.
Si vous exigez dans la contrainte quelque chose de lui qui se trouvait au delà de vos propres compétences ou de ses capacités physiques ou mentales, si vous lui prenez un mouvement, un air ou une performance qui le laissera par la suite pantelant, étourdi et confus, à avoir subi une séance durant laquelle il n’a rien fait d’autre qu’attendre que ça s’arrête, l’échine ployé et la bouche fermée, alors ayez au moins la courtoisie de ne pas vous vanter de vos prouesses équestres.
Car votre maitrise devrait être telle qu’elle ouvre au cheval un espace d’autonomie et de liberté même lorsqu'il est soumis à votre main et votre volonté.
Il possède en lui les graines de la grâce, de la puissance et de la confiance que vous faites germer car vous lui partagez les vôtres. Guidez-le vers elles et donnez-lui les clés pour lui permettre de les faire éclore à son rythme. Enfin, laissez les fructifier pour qu’il les emploie à son aise, avec ou sans vous sur son dos.
Votre relation culminera alors dans un climat de douceur déjà présent, parce que c’est avec bienveillance que vous exerciez votre maitrise équestre et humaine depuis le commencement de votre relation pour le guider sur ce chemin.
Dans l’espace d’autonomie que vous lui ouvrez en vous retirant, en acceptant de ne pas être systématiquement dans la prise, en cédant le premier, vous l'autorisez à devenir lui-même acteur d’une danse complexe et savante.
Et lorsque vous serez prêt au renoncement et au lâcher-prise, une fois que vous lui aurez appris les pas, ce sera lui qui viendra prendre votre main pour vous emmener danser.
Maitre de votre capacité à vous maitriser en entier, vous vous révélez avec une douceur authentique, montrant par là le même chemin au cheval que vous élevez de sa condition animale primaire, tandis que lui-même vous élève vers le statut d’homme ou de femme de bien.
Spiritualité et équitation - introduction
Spiritualité et équitation - 1 - Du mal
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